Alexis Munteanu : Quelles sont les origines du « Syndicat du hype » ?
Thierry Théolier : De 1998 à 2001, je côtoyais des artistes du net art. C’est le contact du monde de l’art qui m’a poussé à m’intéresser à l’activité d’ « artiste sans œuvres » que décrivent le théoricien Jean-Yves Jouannais et l'écrivain Luis de Miranda. En découvrant les vernissages et les installations des collectifs d’art contemporain comme « Glass Box », j’ai compris que l’art immatériel offrait de nombreuses possibilités. Mon activité d’ « artiste sans œuvres » a commencé avec l’expérience « Alibi-art », inspiré de cette mouvance. Puis ensuite j’ai fait le « Syndicat du hype ».
Alexis Munteanu : Comment le concept « Alibi-art » a-t-il conduit à la création du « Syndicat du hype » ?
Thierry Théolier : « Approuvé par Alibi-art » était un tampon, un processus d’approbation que j’utilisais sur tous les supports. Je faisais cela aussi bien dans le métro, sur les flyers que sur les « peoples ». En suggérant ce qui est « in » et « out », je suis devenu un média. D’ « artiste sans œuvres » je me suis hissé au rang de meneur du « Syndicat du Hype ». J’ai mis au point ma mailing-list qui met à sac les open bars et permet aux « crevards », aux précaires branchés, d’être dans les « place to be ».
Alexis Munteanu : Comment faites-vous pour démocratiser la branchitude ?
Thierry Théolier : Avec l'art-réseau sur l’écran de chacun, on peut se passer des commissaires d’exposition, des journalistes. Comme un parasite, le « Syndicat du hype » permet de vampiriser les branchés, les bourgeois. C’est une attitude décalée que les médias traditionnels ne remplissent souvent plus.
Alexis Munteanu : Considérez-vous votre style d'écriture sur le SDH comme un mode d’expression alternatif ?
Thierry Théolier : Je suis dyslexique et me suis entièrement laissé contaminer par les formes littéraires les plus pourries. Mes textes sont sans personnages et sans histoires. De plus, je déforme la langue autant que possible comme dans mon texte Crevard [baise-sollers].
Alexis Munteanu : Que pensez-vous alors des "vrais" écrivains ?
Thierry Théolier : Je fais mon « ego trip » et je réalise des textes différents des Beigbeder et des Nothomb qui font un livre par an. Les dandys, les poètes, les malades mentaux doivent aussi pouvoir s’exprimer. Je ne veux pas servir la soupe au public et au système. Je parle aux « crevards ».
Alexis Munteanu : Mais qui sont les "crevards" ?
Thierry Théolier : Nous, les « loosers» et les « crevards », on a du mal avec le système. On est d’une certaine manière des sociopathes. Sans travail, sans copine, on veut quand même profiter de l’esprit bourgeois bohème de Paris.
Alexis Munteanu : D’où vous vient l’idée d’un « festival de la Loose » ?
Thierry Théolier : Le « festival de la Loose » a commencé le 7 août 2008 et est permanent depuis le 24 août. Il donne lieu à des lectures et des performances comme lors de « Immersion Bukowski » au Cercle Pan ! ou comme lors de ma lecture de « Baiser avec une boat-people » aux Disquaires. Les « loosers » peuvent aussi faire leurs propres soirées. Même si c’est parfois devant les grilles des Buttes-Chaumont avec quelques potes et un ghettoblaster.
Alexis Munteanu : Que pensez-vous du livre d'Arnaud Sagnard sur le monde de la nuit ?
Thierry Théolier : Dans Vous êtes sur la liste ?, Arnaud Sagnard parle de la réalité humaine et sociale du petit enclos des « branchouilles ». Le milieu est composé de voyeurs et d’exhibitionnistes parce qu'il repose sur un système attraction/répulsion.
Alexis Munteanu : Et alors pensez-vous être capable de renverser cette tendance ?
Thierry Théolier : Je redore le blason d’une tribu qui est laissée pour compte. Qui sait avec une bannière d'une marque un peu trash sur mon site, je pourrai peut-être gagner un peu d'argent avec le « Syndicat du hype ». Mais je serais peut-être veilleur de nuit dans un hôtel car il n’y a pas de plan de carrière pour les « loosers ».